Musée National De La Marine

Le Musée National de la Marine est situé dans la demeure du seigneur Jacques Henri de Cheusses. C’est le plus ancien bâtiment de Rochefort et fut le siège du commandant de la Marine et de l’Intendance.

Adrien de Lauzeré, premier valet de chambre du roi Henri IV reçoit de ce dernier les terres et la seigneurie de Rochefort. Il commande alors que soit ériger pour lui-même, une demeure (1600 – 1620). Colbert en 1666 implante l’arsenal du Roi (Louis XIV) et reprend les terres et la seigneurie à Jacques Henri de Cheusses, époux de la fille de Gédéon de Lauzaré, le fils d’Adrien. Colbert modifie cette habitation pour lui donner l’aspect actuel : un bâtiment à un étage, en forme de U et une cour intérieure et devint l’hôtel de la Marine.

Devenu Musée en 1932 et classé du même coup « Monument Historique », il fut l’objet d’aménagements et modifications. Les Allemands l’occupèrent de 1940 à 1942. A la Libération plusieurs services s’y succédèrent et, en 1957, l’hôtel de Cheusses devint officiellement le Musée National de la Marine. Voilà pour l’Histoire.

Le Musée de la Marine se veut avant tout être un « livre ouvert » sur la naissance et la vie de l’arsenal voulu par Colbert. Au cours de la visite, muni d’un audio guide, l’on append, étape après étape, année après année, la construction des navires de guerre tant du point de vue techniques que militaires, économiques, urbaines, philosophiques…

Lorsque l’on sait que l’Hermione fut construit, de nos jours, en une vingtaine d’années, on ne peut rester sans voix lorsque l’on apprend qu’au XVIIème siècle, le même navire fut construit en tout juste 2 années ! Il faut dire que la main d’œuvre excellait ! Les bagnards furent de tous les travaux les plus pénibles pour la construction d’un navire. Et l’on devine aisément lesquels : porteurs de charges lourdes, halage des navires le long de la Charente, mise en place des voiles, terrassements à la pelle et la pioche... Leur travail commence très tôt le matin, au lever du soleil généralement. Ils sont toujours par deux, constamment enchaînés avec de lourdes chaînes qui s’ajoutent aux charges qu’ils portent. Ils sont vêtus soit d’un habit vert (peines communes) ou de rouge (lourdes peines). Leur repas de la journée est délivré dès le matin : un guignon de pain, du lard, un quart de rouge. Ils rejoignent leur chantier par groupes de deux et doivent baisser la tête. Lors du contrôle de leurs chaînes par un garde chiourme, s’ils n’exécutent pas rapidement l’ordre ou s’ils font tomber leur pain, ils sont alors frappés au sang. Lorsque les coups cessent, ils disent : « merci sergent ! » et la colonne repart. Ils apportent jusqu’en haut des mâts, les cordages, les voiles, toujours avec leur chaîne. Si l’un d’entre eux n’y arrive pas, alors il est précipité du haut du navire et s’écrase sur le pont. Le soir, ils rejoignent leur casernement toujours dans le même ordre et se couchent tout habillés fourbus et harassés. La planche qui leur sert de lit, sans palliasse, est inclinée ce qui leur permet de dormir sans oreiller. Cette planche s’appelle le taulard…

Et l’on comprend au cours de cette visite combien cette main d’œuvre taillable et corvéable à merci, fut « grandiose » à la vue des maquettes qui retracent merveilleusement bien l’activité de cet arsenal.

Passé l’accueil, courtois et souriant, c’est la découverte de plusieurs salles tout le long du rez-de-chaussée de cet hôtel. Première salle, le Fort Boyard. Et là l’on découvre la maquette de ce fort dont les fondations ont pris la forme de l’étrave d’un navire, coupant ainsi la force du courant. Bien étrange l’histoire de ce fort. Construit sur un banc de sable (entre l’Ile d’Oléron et l’Ile d’Aix), qu’il a fallu combler et solidifier en amenant d’énormes blocs de pierre, 68 m de longueur sur 31 m de large, près de 20 m de haut, construit pour protéger l’arsenal de Rochefort, construction abandonnée car son armement était devenu obsolète, puis la construction fut reprise et terminée pour être à nouveau abandonnée, devenu prison d’Etat pour quelques années, puis un hôtel pour quelques mois, re-abandonné et, enfin, devenu « le fort pilier » du jeu que vous connaissez !

Quelques salles plus loin, l’on découvre de superbes maquettes aux échelles de 1/48 – 1/40 – 1/24, portant des noms évocateurs : Le Comte d’Artois, l’Inflexible, la Vestale, le Dauphin Royal. Ce dernier fut commandé par Louis XV pour son fils. Vaisseau de 110 canons, il fut construit pour l’instruction du Dauphin.

D’autres salles vous parleront des formes de radoub où sont construits les navires mais également grues à force humaine, machine à commettre les cordages (j’en avais parlé lors de mon avis sur la Corderie Royale), machine à mâter (prouesse de construction d’un ingénieur)…

Une maquette qui a attiré toute mon attention et pour laquelle je suis resté pas mal de temps pour la contempler, fut la maquette du « Le Royal ». Louis XIV avait créé une compagnie de 200 hommes, les gardes de la Marine, répartis entre Toulon, Brest et Rochefort. Les jeunes gens de cette compagnie étaient destinés à devenir officiers de la marine du Roi. Agés de 16 à 25 ans, prouvant leur noblesse depuis 3 générations au moins, reçus sans examen final et dont le choix d’dmission revient au Roi. Ils reçoivent des cours de navigation, d’artillerie, d’écriture, de mathématiques, d’hydrographie, de construction navale et… d’escrime et de danse ; cette dernière étant toujours d’actualité dans les écoles d’officiers de la Marine…

Lorsque la formation théorique est jugée recevable, ils poursuivent leur formation à la mer. Mais, avant de rejoindre leur navire dans un port, ils reçoivent une instruction à la fois théorique et pratique sur une maquette. Le Royal fut donc cet aide pédagogique. Tout ce qu’un commandant doit connaître sur un navire, figure sur et dans cette maquette : la coque est amovible pour montrer les ponts, l’armement. Le poste de pilotage est à hauteur des yeux lorsque l’on se tient debout près de la maquette. Bref, c’est un outil inimaginable et voir cette maquette tout près de soi laisse libre cours à votre imagination.

Et que dire des moulins de l’arsenal qui avaient pour fonction la manœuvre de dragues pour désenclaver les bassins et leur écluse de la vase envahissante. Un système de « pistons » manoeuvraient en un lent va-et-vient pour éjecter cette vase à la force du vent. Œuvre d’un jeune polytechnicien.

L’étage comporte d’autres salles présentant différentes époques de constructions où la voile accorde une place à la vapeur pour les navires à aube puis à hélice.

Mais le clou de cette visite se trouve dans la cour. Là, sous vos yeux, est construit le radeau qui servi aux malheureux naufragés de La Méduse et dont Théodore Géricault en sublima l’œuvre grandiose. Ce navire n’aurait jamais dû échouer en 1816 sur le banc sablonneux d’Arguin, au large de la Maurétanie. Son commandant, le capitaine de frégate Hugues Duroy de Chaumareys, mis en place par le Roi lui-même, n’a quasiment pas navigué. Il prend son commandement, refuse les conseils avisés de ces pairs sur les dangers de la navigation dans ces eaux, embarque 400 passagers (militaires, ingénieurs etc…) pour se rendre au Sénégal et prendre possession de ce territoire rétrocédé. Et ce qui devait arriver, arriva. Le navire s’échoua. Il faut l’abandonner : 6 chaloupes pour 400 passagers plus l’équipage ! Il faut construire un radeau, 200 personnes s’y entassent. La mer est forte, très forte même, 60 kilomètres à faire pour rejoindre les côtes africaines, le radeau se disloque, les vivres manquent, le cannibalisme est là. 13 jours plus tard, les survivants au nombre de 15 sont sauvés… Histoire terrible qui figure sur la stèle des malheurs de la Marine, quelles que soient les époques.

Ce musée retrace parfaitement le patrimoine de notre ville, de l’arsenal et, en un seul mot, de la Marine. L’Hermione, la Corderie Royale, les services historiques de la ville, les musées, le musée de l’Ecole de Médecine Navale, confèrent à ce patrimoine une importance européenne. Les visites sont riches et variées, les collections remarquables et sont les témoins figés qui racontent l’Histoire.

• Commenter l'avis
• Utile (10)

Commentaire de Bettyoups, le 15/11/2017

Superbe avis ! Waouhh !! On sent bien que tu es dans ton élément ! Quel panache, mon capitaine pour écrire ton 150 ême avis ! Le site ne peut que s'enorgueillir d'avoir un ambassadeur comme toi !
Merci pour tous ces avis qui nous enrichissent !

• Smile (6)

Commentaire de Dany80, le 15/11/2017

Merci Oss pour ton superbe avis, les photos, pour cette page d'histoire, et pour cette visite bien enrichissante.

• Smile (6)

Commentaire de Linieres, le 15/11/2017

On sent que tu maîtrises le sujet

• Smile (5)

Commentaire de Secretdenfan, le 15/11/2017

J'attendais de pied ferme ton 150e avis à mon tour...! Tu vas bientôt quitter le monde des élites pour être un ambassadeur digne de ce nom ! J'en frémis d'avance ! Merci pour cet avis ultra nourrissant....et moi qui suis fan de Fort Boyard et qui n'a pas manqué d'apercevoir l'Hermione à Rochefort...je me suis régalé !

• Smile (5)

Commentaire de Lutin64, le 15/11/2017

Quel avis superbe , tu sais si bien partager tes connaissances et ton enthousiasme ! Quel régal !

• Smile (5)

Commentaire de Adeloupian, le 19/11/2017

Très bel avis Oss qui ne peut qu'être des plus Utiles pour nos justacopains en "croisière" .

• Smile (3)

Commentaire de Dom41, le 20/11/2017

Je crois 0ss que tu aimes la Charente Maritimes et Rochefort tout comme j'aime le Loir et Cher et "ma" Sologne avec le passé historique qui s'y rattache

• Smile (4)

Commentaire de Cjp95, le 21/11/2017

Je crois bien Dom qu'au travers de ton " j'aime " + " tu aimes " si je poursuis et agrandit le spectre, ça en devient vite un épatant slogan -> " nous aimons " tous notre bien belle France au travers ses régions, avec à chacun(e), sa préférence.

• Smile (3)

Commentaire de Dom41, le 21/11/2017

Super Cjp, ton commentaire me semble exprimer une bien,belle "philosophie" à laquelle j’applaudis

• Smile (2)

Magnifique musée découvert lors des journées du patrimoine. Vous pouvez voir l'évolution de la marine d'antan. Pour les petits il y a même des miniatures et des mécanismes pour travailler. N'hésitez pas à montez au deuxième étages ou vous trouverez de magnifiques ornements extérieur de bateau.

• Commenter l'avis
• Utile (5)

Commentaire de Guerriere59, le 02/10/2013

j'irai surement un jour visiter ce musée de la marine car tu m'en as donné l'envie avec ton message!

• Smile (1)