Il y a 4 ans, lors d'un contrôle ophtalmologique, le spécialiste me signale que mon œil droit est atteint d'un commencement de cataracte. Deux ans plus tard, il constate que cette affection a évolué mais que mon œil gauche est atteint également : à revoir et contrôler dans un délai de deux années.
Chez moi, j'avais constaté, sans trop en faire le rapprochement, que mon divan et les deux fauteuils étaient bien ternes, que la cuisine aux façades blanches étaient également ternes, sans parler des plafonds dont la peinture avait tout juste cinq ans, qui faisaient "sale" ! J'avais donc envisagé de tout nettoyer à fond et repeindre...
De plus, j'avais constaté que ma lecture avait baissé et, lors d'un déplacement en voiture alors que la nuit commençait à poindre, j'ai dû m'arrêter un instant sur un parking car ma vue était devant un nuage.
En juin dernier, je consulte et l'ophtalmologue me dit qu'à la rentrée il faudra "enlever tout ça" si je le souhaite. En septembre autre visite et elle me dit qu'elle a un créneau pour moi les 24 octobre et 7 novembre.
Et c'est parti ! Elle me précise parfaitement le déroulement de l'intervention et des précautions pré et post opératoires à prendre. Elle me définit les risques qui, certes s'ils sont minimes (1 pour 1 000), existent bien toutefois.
Quels sont les risques ?
Il faut savoir qu'il n'existe pas de traitement médical à la cataracte (collyres, médicaments). Le cristallin est affecté par une altération optique. Cette puissante lentille optique joue le rôle d'un appareil photographique, permettant le passage naturel de la vision de près à la vision de loin. Si l'on ne se fait pas opérer, le cristallin gonflera sous l'effet de la cataracte, une diminution croissante de la vision deviendra avilissante entraînant une cécité de l'œil.
Donc, il n'existe pas de chirurgie sans risque même si cette opération est désormais banale. Les complications postopératoires sont très rares mais il peut en résulter une infection de l'œil entraînant la perte de la vue, un décollement de la rétine peut apparaître et une hémorragie, si elle intervient, demeure rarissime.
Enfin, le patient peut être sujet à l'éblouissement permanent, l'œil peut rester enflammé, sa vision peut être dédoublée entraînant, parfois, une ré-opération.
Le spécialiste me remet un dossier dans lequel figure tous les documents administratifs et d'informations sur cette opération. Dépassement d'honoraires : 120 € par œil. Faites vous établir un devis par votre assureur pour connaître vos droits au remboursement. Pour ma part, j'ai été pris en charge à 100 %, dépassements compris.
Le 24 octobre approche. Quinze jours plus tôt, visite cher l'anesthésiste. Ok BON pour l'opération. On vous demandera la liste des médicaments que vous prenez, vos dernières analyses et on vous remettra un questionnaire sur votre état de santé.
Et commence la lente attente du jour de l'opération. Nous avons toujours autour de nous, des personnes qui ont subi telle ou telle opération, telle ou telle maladie. Mais il n'empêche que l'on s'interroge toujours sur son cas personnel. Après tout, il s'agit de son œil non ? De sa vue...
J'ai toujours fait mienne la maxime : " la meilleure défense, c'est l'attaque !" Donc j'ai pour principe, devant un stress ou une anxiété, de mettre en avant ma dérision et mon auto dérision . Je suis comme cela. Et cela m'a toujours servi.
24 octobre au matin. La veille, j'ai placé à 4 reprises une goutte de deux collyres différents dans l'œil. Je me suis douché à la Betadine, cheveux compris. Ce matin, j'ai renouvelé l'opération. Des amis m'accompagnent à la clinique de l'Atlantique à La Rochelle. Accueil remarquable ! Locaux parfaits ! Personnels aux petits soins.
Salle d'attente. J'ai avec moi mon dossier et mes papiers d'identité. Un sonore "bonjour mesdames messieurs" fait lever la tête des quelques patients qui sont assis, triste mine. Bonjour !
L'hôtesse me reçoit :
- Bonjour monsieur
- Madame bonjour. Je lui tend mon dossier
- Comment allez vous monsieur ? Me demande-t-elle en me souriant.
- Bien mieux maintenant que je vous vois. (L'atmosphère se détend).
Elle m'explique le déroulement de l'intervention, me demande d'aller m'assoir, je serai prévenu pour aller voir "mes infirmières..."
1er étage. J'entre dans le bureau où se trouvent trois dames vêtues dans leur uniforme bleu ciel, col et revers des manches blancs, petit bonnet bleu à fleurs qui leur donne un air attendrissant.
- mesdames bonjour, je suis monsieur....... j'espère que vous avez bien dormi cette nuit, dis je avec un large sourire
- Bonjour monsieur, oui nous avons bien dormi me répond l'une d'elles en me souriant, pourquoi ?
- Ben parce que je ne voudrais pas voir vos mains trembler pardi !
La glace est rompue et une "amitié " naissante s'installe et m'a permis de décompresser.
On me fait entrer dans une chambre dans laquelle je me déshabille complètement, puis je revêt un slip jetable, une chemise longue qui se noue dans le dos, un bonnet et des chaussons en tissu, le tout jetable. Je m'allonge. Une jeune stagiaire m'énonce le protocole, me place un cathéter sur l'avant bras, me fait boire un liquide amer "c'est pour vous détendre", prend ma tension, m'installe confortablement sur le dos et j'entre dans une douce torpeur. Prévoyant comme je suis, je me retrace ma vie, mon métier, mon épouse, mes enfants, les petits enfants, bref, tout y passe. On ne sait jamais ! Si je dois "y passer", au moins j'aurai fait ma B.A. Je m'interroge sur ce tunnel tout blanc et la lumière blanche...... C'est de l'auto dérision pure...
Et commence le ballet des brancardiers et des infirmières qui me demande à chaque fois mon identité, pourquoi je suis ici, ma date de naissance etc... Si je porte sur moi des bijoux, un appareil dentaire, auditif, un Pacemaker. A la 4eme infirmière qui me demande mon nom, je lui répond :
- Oss le Valeureux !
- Pardon ? C'est quoi ça ?
- Non, ne cherchez pas à comprendre, ce serait trop long à vous expliquer ! Et je lui dis :
- Franchement madame, vous avez un joli sourire.
- Elle m'annonce : je m'appelle Alexandra et je suis votre infirmière.
-Faut pas me dire cela chère madame mon infirmière ! Elle rit.
Elle m'accompagne au bloc en posant sa main sur mon épaule. Courage me souffle-t-elle. Ah ce sourire !
On installe sur moi un long drap. L'anesthésiste (encore une dame) me chuchote qu'elle vient de m'injecter une légère dose pour me faire planer tout en restant conscient.
- Me permettez-vous de vous faire un joli maquillage cher monsieur ?
- Allez-y chère madame et ne me faites pas de bobo surtout !
Elle rit elle aussi ! C'est bon signe, c'est elle qui va m'opérer. On installe un drap sur mon visage et on perce un trou pour faire apparaître mon œil. Je suis conscient et je vois tout et j'entends tout.
"Mon infirmière" me dit : Vous m'avez dit quoi ? Oss le che pas quoi ? Chut Alexandra, je dors et je vais rêver de vous...
Au dessus de moi, je vois le gros microscope noir et blanc. On remplit mon œil de liquide anesthésiant et c'est comme si j'étais en plongée sous-marine mais sans distinguer quoi que ce soit, sinon qu'une lumière aveuglante. Je sens que l'on me chatouille l'œil. Je sens que l'on me place une anneau oculaire. Je ressens une très légère incision. Quelquefois cela me picote et me gêne car c'est surnaturel pour moi. Je suis parfaitement détendu. Je vois danser dans cette lumière trois petits cubes en 3D. On dirait l'œil que voyait CaÏn... Terminé monsieur, vous avez été très sage et exemplaire ! On me scotche une coque en plastique sur l'oeil. Je rejoins la salle de réveil pour un contrôle ce qui me permet d'engager la conservation avec une autre infirmière.
J'ai toujours remarqué que lorsque l'on s'adresse à quelqu'un un en souriant, en plaisantant tout en restant courtois, en dédramatisant l'instant, on trouve toujours des personnes adorables et que l'on arrive parfois à dérider. Il s'installe une franche sympathie qui fait du bien et qui rassure et j'encourage toujours mes enfants à ne pas rester coincé dans une peau qui engonce l'esprit. Après tout, nous avons tous nos soucis et, de ce fait, nous parlons le même langage...
On me transporte jusqu'à ma chambre où une collation assez copieuse m'attend, faite de biscuits, de boisson... Je me rhabille. Je rejoins le bureau infirmière ou on me prend à nouveau la tension. Elle me propose un café, un thé ou un chocolat chaud. J'opte pour le chocolat. Elle téléphone aux personnes qui m'attendent pour me raccompagner chez moi. Je la remercie vivement pour tout l'accueil et la gentillesse que l'on m'a montré. Nous nous quittons.
Je rejoins l'accueil pour les formalités de départ et je règle le dépassement d'honoraires. Je suis resté trois heures dans cette clinique et l'opération, en elle même a duré vingt minutes.
A l'extérieur, malgré la coque, je ne supporte pas la luminosité. Durant 3 jours je dois poursuivre ma prise d'un antibiotique et pendant un mois, 4 fois par jour, je distille deux collyres dans mon œil. J'ai enlevé la coque en rentrant.
Il m'est interdit pendant quinze jours de :
- de me laver la tête et le visage
- De bricoler et de porter des charges lourdes
- D'aller chez le coiffeur.
Je peux lire et regarder la télé, l'ordinateur, je m'alimente normalement. Pendant huit jours je dois installer ma coque sur l'œil pour dormir.
Désormais, maintenant que les deux yeux sont opérés, j'ai retrouvé une nette amélioration de la vision et surtout j'ai redécouvert les vraies couleurs. Quel bonheur !!!!! Dans quelques jours j'aurais de nouveaux verres. Par contre, malgré le temps couvert, je porte des lunettes de soleil.
Voilà et idem pour l'autre œil, ce qui représente un mois et demi d'obligations.